Vous êtes à 5 semaines de votre objectif. La Diagonale des Fous doit sa réputation « d’ultra très difficile » pour la variété de terrains rencontrés, ses pentes terribles aux multiples marches, son extraordinaire engouement qui conduit souvent le coureur à un excès de zèle, le tout sans l’aide des bâtons et sous des sautes de températures importantes. La gestion de l’effort est donc primordiale, et elle commence avant le départ ! Déjà abordé à S-9, visualiser régulièrement ce qui va suivre pour bien maîtriser votre sujet.
La gestion des 2 derniers jours
Mercredi, jour de la remise des dossards à St Pierre, pensez à emmener à boire ; la file d’attente est longue et vous serez en plein soleil. Casquette de mise ! Evitez de piétiner trop longtemps.
Ce jour, je vous conseille de faire une courte sieste et de vous dégourdir les jambes avec un petit footing de 20 à 30’ sur le littoral en fin d’après midi. Pour ce qui concerne l’alimentation, c’est un sujet que j’aborderai une autre fois. Préparez votre sac en grosse partie afin d’éviter une surprise de dernière minute et rester cool jeudi.
Le jeudi, traînez un peu au lit le matin, grâce matinée, histoire de grappiller une heure de repos. Vous pouvez même en profiter pour vous repasser votre film de la course.
Prenez bien votre temps pour le petit dèj, mâchez bien. J’aime bien passer une heure ou deux en fin de matinée à la plage, à l’ombre, juste pour me détendre en regardant la mer, le calme avant la tempête ! Petite sieste après le repas du midi, éventuellement un second tour à la plage au calme.
Dernier repas vers 18h30 (j’y reviendrai une autre semaine), puis je ne cherche pas à dormir, je reste au calme et fais en sorte de ne pas arriver trop tôt sur place. Dans tous les cas, il est pas mal d’éviter de rester debout plus d’une heure sur place.
Gérer la course
- Départ – Domaine Vidot :
Ne pas s’emballer sur la route, profitez simplement de l’ambiance. Lorsque la pente s’élève, ce n’est pas parce que les autres courent que vous devez vous sentir obliger de faire de même. Si on adopte ce principe, alors tout le monde attendrait qu’un coureur marche pour arrêter enfin son effort ! Au ravito, exécutez les gestes que vous avez anticipés, sans perdre plus de temps. - Domaine Vidot – Notre Dame de la Paix :
La civilisation est derrière vous, ce qui rend plus facile de rentrer dans votre bulle. Ca monte franchement ; évitez les à-coups pour doubler. Vous avez de l’énergie, ne la gaspillez par des changements de rythme inutiles. N’accélérez pas sans démesure sur la piste plate qui précède le ravito. - Notre Dame de la Paix – Sommet après parking Nez de Bœuf :
Vous êtes dans votre rythme, pas mal d’heures se sont écoulées, vous pouvez relancer entre les obstacles pour alterner marche et course, mais toujours dans la maîtrise du rythme et du confort musculaire. - Descente sur Mare à Boue :
C’est la première, profitez-en pour laisser vos pulsations redescendre. Je conseille d’avoir un rythme de petit trot dès que le terrain est propre afin de garder une dynamique. Les quelques km de route avant le ravito, si vous les courez, doivent être sans chocs, à foulée économique, la suite est redoutable. - Mare à Boue – Mare à Joseph :
Grosse montée régulière dans un fatras de rochers. Cette partie ensoleillée pour la plupart d’entre vous mérite une grande prudence. L’hydratation sera importante et surtout la trajectoire. C’est là que vous mettrez à profit tous vos exercices dans les terrains pourris. Soyez toujours économiques, souples, en sélectionnant les marches intermédiaires pour limiter vos efforts. La descente est infernale ; idem, soyez réguliers, évitez les freinages forts, essayez d’être constants dans l’économie et le déplacement.
La route avant le ravito ne doit pas être courue fortement, décontractez-vous, mais ne la marchez pas entièrement ! Ne passez pas plus de temps que nécessaire à Cilaos, c’est un piège à abandon. - Cilaos- Pied du Taïbit :
Vous vous êtes bien restaurés, donc prudence dans la reprise du rythme ; cependant le terrain est souvent favorable à un petit trot sympathique. Attention à la chaleur, profitez des ruisseaux. Quand la pente s’élèvera, si vous levez le nez vous apercevrez le sommet du Taïbit, du moins des pics qui annoncent la couleur ! Dites-vous qu’enfin vous allez entrer dans Mafate, le pied, le rêve de plein de trailers ; vous avez cette chance, donc votre motivation est à son comble 🙂 - Pied du Taïbit – Marla :
Comme après Mare à Boue, il convient d’être économiques et attentifs à votre trajectoire pour garder des réserves. Dans la descente sur Marla, soyez prudents dans les marches, limitez les chocs à la réception. Il vaut parfois mieux trottiner à petit rythme que marcher et subir les impacts des marches. A vous de voir. - Marla – Grand place les Bas :
Une jonction assez roulante, mise à part la section du col des Bœufs ; la parti idéale pour remonter un peu le niveau de vos réserves en mangeant régulièrement (en modérant votre rythme bien sûr, d’autant + s’il fait chaud). Ne vous grillez pas en vous laissant aller à l’euphorie. - Grand Place les Bas – Maïdo Tête Dure
C’est dur physiquement, mais mentalement vous êtes prêts à accepter de relever le défi. Les pentes sont sévères autant en montée qu’en descente. La trajectoire et la patience auront raison de la difficulté générale. Prenez d’emblée un rythme très prudent, quitte à avoir la surprise de vous sentir plus faciles que vous ne l’imaginiez ; alors c’est que vous êtes bien calés. - Sommet – Sans Soucis :
Après un bon ravito, profitez de cette longue section au profil descendant pour vous refaire une santé physique et psychologique. 5 km pas franchement descendants, puis c’est parti pour presque 10 km en pente régulière. A ce stade il n’y a guère de risque de vous emballer 🙂 Soyez juste attentifs à la réception « post marches », elles sont nombreuses. - Sans Soucis – La Possession :
On ne peut plus rien pour vous. Il faut hisser votre carcasse sur le chemin de Bord et descendre jusqu’au ravito de Ratineau très technique, puis remonter dans le dur de la Kala et pousser jusqu’à la Possession sur un sol très caillouteux. L’astuce, c’est d’éviter les bosses inutiles, c’est-à-dire de poser le pied sur un caillou pour poser le suivant dans un creux et recommencer X fois. Ca paraît logique, mais avec le manque de lucidité, je vois des aberrations de trajectoires… Pour les coureurs rapides, cette partie se court beaucoup, souvent au mental. - La Possession – Grande Chaloupe : La route va vous faire du bien. Puis soyez très attentifs au choix des dalles pour poser vos pieds dans le chemin des Anglais. Vous pouvez même vous payer le luxe de trottiner sur une ou deux parties plates, histoire de défier ce sentier et remonter votre moral. Les rapides courront même les faux plats.
- Grande Chaloupe- Colorado : La dernière ascension se présente. A présent que vous savez très bien monter (même ceux qui ne font pas de dénivelé en auront 8800m + au compteur !) vous n’avez qu’à mettre en pratique votre savoir faire Ce n’est plus qu’une question de patience.
- Colorado – Stade de la Redoute
Dernière descente, compliquée, qui donnera à votre tee-shirt finisher encore plus de saveur ! - Conclusion : C’est bien jusqu’à Grand Place les Bas que se construit la course, afin d’encaisser la suite en bonne possession de nos moyens. La bonne blague diront certains, 98 km pour se mettre en jambes. Eh oui, c’est ça le GRR !
Cet article est signé Antoine Guillon, publié sur sa page facebook. Découvrez tous ses conseils pour le Grand Raid et le Trail en général sur son site web : https://www.6666occitane.fr/fr/livre-antoine-guillon-diagonale-des-fous-reunion.html